Slobodan Despot

« Le voyage aller, c’est la peur, le voyage retour, la Providence »

Dimitri Laurent 14 décembre 2014 Interviews Manuscrits, Manuscrits Pas de commentaire
Slobodan Despot, Le Miel, Gallimard, Inde

Slobodan Despot est éditeur. Écrivain, pamphlétaire à ses heures, il vient de publier Le Miel, chez Gallimard, son premier roman. Une parabole où la relation père/fils est omniprésente, dans un endroit du monde qui a toujours voulu chercher la profondeur des origines. Très marqué par un voyage en Inde – les photos du pays rythmeront notre entretien – rencontre avec un homme hanté par la Tradition.

 

Slobodan Despot, Le Miel, Gallimard, Inde

Delhi © Slobodan Despot

Le Rideau : Slobodan Despot, pourquoi avoir attendu tout ce temps avant de publier ton premier roman, Le Miel ?

Slobodan Despot : Pourquoi ? Paolo Conte a commencé la chanson à 50 ans et quelques, non ? J’ai beaucoup d’avance sur lui. Michel Tournier, à quel âge ? Un roman doit résulter d’un profond besoin intérieur et d’une nécessité. On publie aujourd’hui tellement de romans, on a tellement exploré ce genre, il y a une telle congestion dans le domaine, qu’à mes yeux il serait totalement vain de s’y mettre si ce n’était une nécessité et si on avait le choix de faire autre chose. Mais je n’ai pas eu le choix. Ce que j’avais à dire à travers ce livre était tellement douloureux, tellement violent et apparemment dénué d’issue que je ne me sentais pas le faire sous la forme d’un essai, d’un témoignage, d’un livre de mémoires ou d’un documentaire. La forme du roman s’est imposée d’elle-même, d’autant que ce roman-là, qui est au fond une parabole, contenait en quelque sorte à la fois le mal et son remède.

Pourquoi avoir choisi le miel comme fil conducteur ?

Comme on l’entrevoit dans le roman, ce n’est pas moi qui ai choisi le miel, c’est le miel qui m’a choisi. J’étais en thérapie lorsque j’ai entendu cette histoire qui, à la base, était vraie. Le fait que son principal protagoniste soit apiculteur m’a particulièrement frappé. Je pense que si ce vieil homme avait été tout autre chose — cuisinier, chasseur, éleveur, que sais-je —, son destin ne m’aurait pas autant frappé. Le miel est impérissable. C’est, de tous les aliments que nous consommons, le plus chargé de significations symboliques, avec le lait. Les deux signifiant l’abondance, le bien-être la guérison et…l’imputrescibilité. Le miel est éternel en quelque sorte.

On perçoit dans ton roman une dimension initiatique…

Ce qui à mes yeux est frappant dans cette histoire – je n’y avais d’ailleurs pas réfléchi au moment où je l’écrivais –, c’est que l’odyssée de ce père et de ce fils est le résumé des rapports de toute la génération d’après-guerre avec la génération d’avant-guerre, la génération des pères. Des rapports qui sont très conflictuels, des rapports d’incompréhension : le rapport du nerveux avec le patient, du bavard avec le taiseux. A l’allégorie du miel est venue s’ajouter cette allégorie du road-movie, du cheminement initiatique entre les pères et les fils.

J’ai toujours été un grand marcheur, mais également un voyageur. Valais mystique fut mon premier ouvrage « littéraire ». Il s’agit de méditations davantage que d’itinéraires au sens pratique et touristique. Mes cheminements, que ce soit dans le Valais ou ailleurs dans le monde, m’apprennent beaucoup sur moi-même en me projetant hors de ma sphère de confort. Il était naturel pour moi qu’une relation aussi tragiquement distante que celle de ce père-là et de ce fils-là se résolvent au travers d’un voyage initiatique, qui est d’ailleurs littéralement un voyage à double sens. Lors de l’aller, le fils voyage seul et dans un climat complètement opposé à celui du voyage retour en compagnie du père. L’aller est sous le signe de la peur, le retour sous celui de la providence.

Quand on lit, on ne s’attend pas à ce que le père ne veuille pas repartir…

J’ai écrit ce livre au lendemain d’un voyage en Inde. Les Hindous pieux se donnent pour mission et devoir ultime, une fois qu’ils ont accompli leur vie, qu’ils ont créé une famille, qu’ils ont laissé leurs affaires à peu près en ordre, de partir dans les bois. Ils deviennent des sâdhus: des mendiants, des SDF. J’ai fréquenté, j’ai abordé des sâdhus. J’ai vu que c’étaient très souvent des hommes qui avaient délibérément choisi leur sort et à qui il convenait d’être en marge de la société, de vivre dans le plus grand dénuement possible. Le dénuement dans lequel vit le héros de mon roman s’explique, me semble-t-il, par la vie qu’il a eue. Ne serait-ce que par sa jeunesse durant la Seconde Guerre mondiale.

Il y a un pilier dans Le Miel, Vera…

Il y a un premier narrateur, qui fixe  le cadre prosaïque du récit. Vera, c’est la deuxième voix. Elle a la triple fonction de témoin, de narrateur et de thérapeute. Son rôle est donc très englobant.

C’est elle, le Miel !

Oui. Mais personnellement, je préfère ne pas faire dire aux symboles plus qu’ils ne disent. Pour moi, dans cette histoire, Le Miel est d’abord le miel-aliment dont vit cet homme, qu’il utilise comme monnaie d’échange et qui va être le déclencheur de la brouille avec son fils, jusqu’à la tentative d’assassinat, etc.  Et puis, le miel est évidemment aussi le substrat des préparations de l’herboriste qui raconte l’histoire, qui soigne aussi bien par ses potions que par son discours, ses paraboles. Il y a une équivalence poétique, allégorique, très évidente. Mais tous ces rapprochements internes au livre, je ne les avais pas faits, moi, en l’écrivant.

Lors d’une soirée littéraire autour du Miel à Genève, un professeur de littérature a décortiqué la structure narrative de mon roman en expliquant que c’était trait pour trait celle de Manon Lescaut! J’en ai été fort ravi, mais je n’ai jamais pensé à Manon Lescaut en écrivant mon livre. Ce qui plaît tant dans Le Miel, c’est peut-être son côté archétypal, son retour aux fondamentaux. Michel Maffesoli, dans sa préface à mon recueil Despotica, soulignait l’archaïsme de ma démarche, non dans un sens péjoratif, mais dans le sens d’une nostalgie des valeurs premières. Cet archaïsme s’étend donc aux procédés de narration: la double mise en abyme n’a rien d’un procédé d’avant-garde, elle est vieille comme le monde !

Slobodan Despot, Le Miel, Gallimard, Inde

Bodhgaya © Slobodan Despot

Lorsque je suis parti en Pologne, il y a quelques temps, j’ai été frappé par la proéminence de la forêt. Il me semble que cette proéminence est la même en Serbie…

En Serbie, les forêts sont très présentes. Il y a évidemment le monde mythologique, le monde des contes de fées – et ensuite il y a un autre monde, très familier dans l’imaginaire collectif serbe: c’est le monde des haïdouks, ces bandits qui étaient à la fois des pillards et des résistants contre les Turcs. Les forêts étaient le lieu où le Тurc, l’occupant, ne s’aventurait pas. C’est une tradition très présente parmi les peuples qui ont été occupés par les Ottomans. La forêt était pour eux le symbole de la liberté.

As-tu des auteurs que tu admires et qui te collent à la peau et dont tu as eu des difficultés à te détacher pour l’écriture de ce roman ?

Oui, bien sûr. J’ai des auteurs qui me hantent et qui sont, à mon avis, très éloignés de ce que j’écris. Je suis par exemple un grand lecteur de Henry James, de Thomas Hardy – j’aime beaucoup les destinées, les tragédies humaines chez Hardy –, et de nombreux écrivains anglo-saxons. Je suis évidemment très marqué par les auteurs slaves, par les Russes, mais de manière un peu paradoxale parfois, par opposition. J’aime beaucoup, par exemple, Ivan Bounine – qui parle des villages –, j’ai dans mon panthéon des auteurs comme Paul Morand, j’ai beaucoup lu Balzac…En gros, si tu veux, j’aime les romanciers qui déploient un grand univers, une grande vision. Je n’aime pas la littérature de l’art pour l’art, l’hyperesthétisme et en même temps – paradoxe –, je ne peux pas lire les choses mal écrites («car le temps des mauvaises écritures est révolu», comme claironnait mon cher Baudelaire). Par exemple, je ne peux pas piffrer Stendhal. Il me semble d’ailleurs qu’il dictait ses textes.

Il paraît que les matheux aiment beaucoup Stendhal chez qui subsiste une dimension chiffrée…

Oui. Comme le symbolisme caché dans Le Lys dans la vallée, de Balzac, qui est imbuvable. À mon avis, tout cela c’est de la foutaise. Puisque tu me parles de « matheux », je pense que la Recherche du temps perdu de Proust est un véritable traité sur notre rapport au temps, et même au rapport temps-espace. C’est un grand traité de (méta)physique qui n’est pourtant pas « matheux ». Pour que j’aime un livre, il faut donc qu’il y ait des grandes visions, des grands sentiments humains, une spiritualité. Exemple : C. S. Lewis. Mais il faut surtout que ce soit des vraies histoires : Stevenson, Jules Vallès. Je suis un peu boulimique : j’aime aussi Simenon. J’ai lu tout Simenon. Je l’aime à cause de cette atmosphère qu’il sait créer en trois mots, de sa profonde humanité et de la manière qu’il a de rendre de vraies épopées humaines avec une très grande sobriété de moyens et dans un cadre existentiel banal.

On pourrait interpréter, dans ton livre, le refus du père de rejoindre la société comme une apostasie liée à cet asservissement de l’humain par lui-même…

C’est déjà une interprétation très rationalisante… Le père choisit de ne pas retourner dans la civilisation parce qu’il n’en a pas besoin. Si tu lis les vies de moines, de saints, de mystiques, tu sais que la grande douleur d’un moine qui s’est fait à la vie monacale, c’est d’être envoyé dans le monde. Quand leur prieur les envoie en mission dans le monde, c’est une punition pour eux. Dans le livre, cet homme créé de l’ordre partout où il passe, alors qu’autour de lui tout est désordre.

Slobodan Despot, Le Miel, Gallimard, Inde

Kolkata © Slobodan Despot

Es-tu heureux de la réception du Miel ?

Comme diraient les Suisses : je suis déçu en bien. Je ne m’attendais pas à ça !  J’ai été très surpris, d’abord, que le livre soit accepté par les éditeurs, en particulier par Gallimard, aussi rapidement, et de manière aussi enthousiaste. Ensuite j’ai eu un très bon accueil critique pour un premier roman, de bonnes ventes également, j’ai reçu beaucoup de lettres de lecteurs, mais également des témoignages de gens qui viennent me trouver lorsque je dédicace quelque part. Je n’ai jamais rencontré personne – ni critiques, ni lecteurs – qui dise : « Bon, ce livre, j’aurais pu m’en passer ». Je suis émerveillé de cet accueil. Ce qui veut aussi dire qu’avec ces symboles universels que sont le miel, les pères et les fils, le voyage, la guerre, on a touché une fibre intelligible pour tout le monde.

Une des choses les plus extraordinaires qui me soient arrivées s’est passée quelques jours après la sortie du livre : j’étais en train de le dédicacer dans une librairie en Suisse lorsqu’arrive par hasard une femme que je connaissais, avec sa fille. Cette dame était Croate. Ce livre n’est pas favorable aux Croates. Il n’est pas défavorable non plus, mais le grand drame de la relation serbo-croate c’est que lorsque tu parles de certaines choses aux Croates, notamment de ce qui s’est passé entre 1941 et 1945, ils bondissent au plafond. Là, elles sont arrivées et je n’avais pas eu le temps de leur expliquer le contenu que la fille, qui avait  vu le titre et la quatrième de couverture, a dit : « j’aimerais bien le lire ». La mère a dû acheter le livre pour sa fille en faisant un peu la tête. Recroisant la mère quelques jours plus tard, je lui ai demandé prudemment ce que sa fille en avait pensé. Elle m’a répondu : « elle est ravie ». Ce qui est formidable, c’est que le roman, désormais traduit en serbe, aura aussi ses lecteurs s’il est distribué en Croatie.

Le Miel va-t-il ressouder les frontières ?

Je ne pense pas qu’il puisse ressouder les frontières, dans la mesure où les frontières sont vraiment une création profane, un produit de la soif de puissance des hommes. Les frontières vont rester là où elles sont, mais peut-être que les humains qui sont de part et d’autre de ces frontières auront moins tendance à garder les yeux rivés sur ce qui les sépare.

Tu me parlais de l’Inde, tout à l’heure. Ça vaut toujours le coup d’y aller ?

Ça vaut le coup d’aller en Inde, mais pas forcément pour les maîtres spirituels. Je ne suis pas allé là-bas pour chercher un maître spirituel, d’ailleurs. Je suis allé voir l’Inde. Je suis comme Simenon : quelqu’un d’extrêmement tactile, olfactif, élémentaire. Les odeurs, les bruits de la rue, les goûts, les manières dont la circulation s’agence, me parlent beaucoup. De ce côté-là, on n’est jamais déçu. D’abord, il faut survivre ; j’ai atterri en Inde à l’endroit le plus extrême : à Calcutta, la nuit, sans avoir jamais mis les pieds dans ce pays. C’est vrai que lorsqu’on descend d’un bel avion de la Lufthansa dans cet aéroport qui est pratiquement un aéroport de brousse malgré les 30 millions d’habitants autour, et qu’on passe de l’air climatisé à cette espèce de four invraisemblable où il fait 40 degrés tout le temps – même la nuit – et qui sent la décomposition, les épices, le fer brûlé et le souffre, il faut encaisser le coup. Ensuite, il faut encaisser la mort qu’on voit partout, le bruit et l’agitation extrême de cette société. C’est quand même un milliard d’individus qui peuplent un sous-continent plus petit que l’Europe avec une densité de population équivalente à celle de la Hollande. Alors tu imagines…on vit littéralement les uns sur les autres.

Slobodan Despot, Le Miel, Gallimard, Inde

Varanasi © Slobodan Despot

Quand on revient de ce pays-là, que l’on ait vu des maîtres spirituels ou non, on relativise tout un ensemble de notions : le bruit, le confort, l’embouteillage, l’argent. Ce sont de grands commerçants, mais ce n’est pas l’argent qui compte. C’est de faire, d’être toujours en train d’agir. Les Indiens sont des gens très actifs. J’allais dire qu’ils ont une impulsion à épuiser le plus vite possible le programme de leur karma, pour toucher au nirvana. On fait les choses vite, on parle vite, on roule vite, on ne s’attarde pas aux détails. C’est un monde chaotique à nos yeux. Mais il est chaotique parce que nous n’avons pas compris ses lois profondes : ce sont des lois qui ne s’occupent pas des individus, mais des masses. Ce sont des empilements. Très important : le temps n’existe pas, en Inde! Toutes les époques coexistent. C’est un peuple qui est notoirement indifférent à l’histoire. Ils s’occupent de leur mythologie, mais pas de l’histoire. Ce qui veut dire que les reliques de l’Empire britannique cohabitent avec les reliques de l’Empire mogol, qui cohabitent avec la société indienne ancestrale, qui cohabite avec la modernité. Tout ça s’interpénètre et se superpose sans aucune espèce de structure ni de préméditation.

Et si finalement, même en Europe, le temps n’existait pas…

Il est possible que l’on soit en train d’en sortir, oui. C’est l’idée de Maffesoli, qui dit qu’avec la postmodernité, on est sortis d’une vision du temps linéaire et eschatologique pour entrer dans une atemporalité où l’on commence à tourner en rond. Un grand connaisseur de la philosophie indienne, Amaury de Riencourt, dit que les phénomènes que nous observons, la réalité phénoménologique, n’est pas la réalité, qu’elle n’est qu’un aspect de Maya (l’illusion) et qu’au fond le temps – la notion du temps –, résulte de notre ignorance de ce qu’est l’essence du monde. Nous voyons des phénomènes qui se succèdent et nous croyons que cela marque le temps. Alors que ce ne sont qu’illusions. Conclusion : l’ignorance est la racine du temps.

Tu t’inscris, dans de nombreux textes que tu as publiés, dans la tradition du pamphlet. Quels sont tes pamphlétaires préférés ?

Évidemment je me délectais du regretté Philippe Muray. C’était pour moi un sommet de l’art du pamphlet. Comme pamphlétaire j’aime bien Dieudonné – pamphlétaire de notre temps. C’est plus qu’un comique: derrière sa virulence, c’est un moraliste. Or, les pamphlétaires sont des moralistes. Je lis et je relis avec un plaisir constant Léon Daudet. J’aime aussi beaucoup Konstantin Leontiev, l’auteur  visionnaire de L’Européen moyen, idéal et outil de la destruction universelle.

A présent, je dirais que je me suis assagi. Depuis l’écriture de ce roman, le pamphlet est un genre que je délaisse un peu.

Tu as mis du miel dans ton vin ?

Si tu veux…(Rires). Non, la glande à venin fonctionne toujours, mais je m’abstiens de mordre parce que je me rends compte que ça ne sert à rien. C’est comme lancer un juron à quelqu’un. Je trouve cela un peu vain. Même si, pour paraphraser l’Allemand dans les Tontons flingueurs, « je ne dis pas que ce n’est pas inutile, je dis que ça soulage ».

Pour Rudy Ricciotti, architecte et pamphlétaire, on a besoin de vulgaire. Le vulgaire est ce qui créé la réaction, l’état d’exception…

Je suis d’accord. Ça a un petit côté vivant et sensuel. Ça sert, de temps en temps. Par exemple ce que j’aime, c’est quand un grand auteur se lâche. J’aime beaucoup Victor Hugo quand il se lâche, par exemple. Mais on ne peut pas faire métier de pamphlétaire. C’est stérile. Le pamphlétaire à tendance à se répéter. C’est comme le comique, il joue sur la caricature. Et la caricature devient vite lassante.

Est-ce que ce que nous pensons profondément, nous n’avons pas le devoir de le répéter ?

Ah oui! Là, on devient litanique, comme Rousseau, comme Léon Bloy, comme Péguy. Je n’ai rien contre.

Slobodan Despot, Le Miel, Gallimard, Inde

Kolkata © Slobodan Despot

Et si, pour finir, l’on évoquait ton attirance pour les auteurs de la Tradition. Je t’ai par exemple entendu évoquer, dans l’émission Ce soir ou jamais, René Guénon…

Guénon est fondamental. C’est un cas très rare, dans la pensée française, de quelqu’un qui réussit à sortir du rationalisme cartésien des Lumières sans tomber dans la bondieuserie. Le problème de la France, c’est qu’elle est souvent marquée par l’opposition entre le rationalisme le plus froid, le plus géométrique, et la bondieuserie la plus sulpicienne. Avant Guénon et des livres fondamentaux comme Le Roi du Monde, La Crise du monde moderne et Le Règne de la quantité et le signe des temps, j’avais lu Alain Daniélou. J’avais lu également des livres qui me paraissent fondamentaux du point de vue de la conception de l’humain et du monde comme L’abolition de l’homme, de C.S. Lewis, manifeste contre le transhumanisme – une régression qui est l’aboutissement logique du rationalisme –, et pour cet ensemble de valeurs naturelles et universelles qu’il appelle le tao. C’est un très grand écrivain pour la jeunesse, romancier, philosophe, l’un des rares auteurs chrétiens de science-fiction. Je lis et relis ce petit essai, L’abolition de l’homme, en essayant justement de lutter contre notre abolition, c’est-à-dire l’asservissement de l’humain par sa propre idéologie.

Pour terminer, peut-on présenter ton roman comme une apologie de la nature, voire un roman écologiste ?

La tradition des Lumières, née en France, mais pas seulement, est incarnée par l’allégorie du flambeau : la science et la connaissance – gnostique, rationnelle ou maçonnique – sont là pour apporter le flambeau du savoir humain dans la nuit de l’ignorance. Et moi, ma question, c’est : combien faut-il de flambeaux fabriqués par l’homme pour égaler la lumière d’une seule journée du soleil de Dieu ? Et qu’est-ce qu’on va faire avec les flambeaux usés ?

Infos pratiques :

Le Miel, Slobodan Despot, Gallimard

128 pages – 13,90€

Disponible depuis le 2 janvier 2014

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